Dorian Martinez. Dopage: ''Je ne crois pas à la rédemption subite''




Pour clore notre petit dossier sur le dopage, j'ai choisi d'interpeller 2 personnalités engagées dans la lutte anti dopage. Marc Fortier Beaulieu, Président de la commission nationale anti dopage de la FFTri et Dorian Martinez, psychologue du sport créateur du site sport protect et qui a dirigé pendant dix ans le numéro vert national antidopage pour le ministère des sports. C'est ce denier dont nous publions l'interview aujourd'hui...
 
Penses tu qu'il doit y avoir un droit à l'oubli ou considères tu normal de porter les conséquences d'une faute toute sa vie?
 
Oui. Quand on lutte contre le dopage, on doit être forcément légaliste. Le droit à l’oubli est un principe qui s’applique dans d’autres domaines et il paraît normal qu’il puisse aussi s’appliquer aux sportifs.

A ces éléments, j’apporte les nuances suivantes :

1.) Le droit à l’oubli est relatif. Car une seconde sanction peut entraîner une sanction plus sévère (suspension à vie, par exemple). L’infraction n’est alors pas « oubliée ». Les compteurs ne sont pas remis à zéro. Il s’agit donc de distinguer le « droit à l’oubli » de la « publicité négative à vie » que l’on pourrait être tenté de faire au sujet d’un sportif contrôlé positif.

2.) A titre individuel, chacun est libre de ne pas accorder sa confiance à une personne qui, jadis, aurait triché. Mais là, encore, il faut distinguer, un jugement personnel d’une « publicité négative ».

3.) Enfin le « droit à l’oubli » ne doit pas être remplacé par un « droit à réécrire l’histoire » que certains sportifs ne se privent pas de faire des années après l’affaire dans laquelle ils ont été impliqués.
 
Considères tu qu'il y a plusieurs types de suspension pour dopage ? Une faute suite à une auto médication ? Le bricolage d'un athlète avec des produits qui paraissent "anodins''? Et le dopage ''lourd''  encadré, onéreux, mais aussi très souvent rentable? 

C’est déjà le cas. L’Agence Mondiale Antidopage prévoit des sanctions plus sévères pour le dopage avec des «  substances lourdes ». Les substances dites spécifiées et les produits contaminés font l’objet de plus de clémence.

Articles 10.5.1 du Code Mondial 2015

Substances spécifiées

Lorsque la violation des règles antidopage implique une substance spécifiée et que le sportif ou l’autre personne peut établir l’absence de faute ou de négligence significative, la suspension sera au minimum une réprimande sans suspension et au maximum deux ans de suspension, en fonction du degré de la faute du sportifou de l’autre personne

Produits contaminés

Dans les cas où le sportif ou l’autre personne peut établir l’absence de faute ou de négligence significative et que la substance interdite détectée provenait d’unproduit contaminé, la suspension sera, au minimum, une réprimande sans suspension et, au maximum, deux ans de suspension, en fonction du degré de la faute dusportif ou de l’autre personne   

Si oui, penses tu que l'amalgme est trop vite fait?

Tout le problème est là.
L’amalgame est systématiquement fait car il y a peu de sportifs qui sont contrôlés positifs.
Donc quand un sportif se fait attraper, l’opinion publique pense instantanément qu’il s’agit forcément d’un vrai tricheur.
Les noms des produits anodins restent compliqués et non intelligibles pour la majorité des personnes.
Qu’une personne soit contrôlée positive avec du Coramine glucose ou de l’Epo ne fait l’objet d’aucune différence dans l’esprit des gens…
Bien qu’il s’agisse de produits de nature complètement différentes.
 
Les athlètes pris pour dopage sont punis. En plus de cette punition penses tu que l'on devrait donner plus de facilité à l'athlète pour se réhabiliter ou même l'obliger à des actions pour se réhabiliter ?
 
Oui.
Cela peut s’envisager à condition de distinguer la nature et les circonstances du contrôle positif.
 
Et si oui lesquelles?  
 
- En cas de contrôle par inadvertance, le sportif pourrait, par exemple, expliquer la nécessité de toujours vérifier sa consommation (c’est tout le sens des actions que nous menons à SPORT Protect)

- En cas de «  dopage lourd ». Déjà, attendre que la suspension (souvent deux années) soit totalement purgée. Je ne crois pas à la rédemption subite. Il s’agit que ce soit utile aux autres et pas seulement à laver l’image du sportif… Il faut que le sportif puisse prendre du recul. Il faudrait ensuite que son discours soit encadré par un professionnel de la prévention afin de ne pas être contreproductif.
 
 Il  y a souvent très peu de communication de la part des instances. Penses tu qu'une plus grande lumière sur chaque cas positif soit nécessaire? 
 
Oui, beaucoup de fédérations pensent encore qu’il est préférable de faire profil bas et de ne pas parler de « sujets qui fâchent ».
C’est une erreur pour beaucoup de raisons.

Par exemple, quand un sportif est contrôlé positif à cause d’un complément alimentaire contaminé, pourquoi la marque du complément n’est elle pas clairement citée (la substance dopante est citée, mais quasiment jamais la marque) ? Cela permettrait d’éviter d’autres contrôles positifs.

L’idée n’est pas de stigmatiser le sportif qui a franchit la ligne rouge mais plutôt de montrer que le dopage est une réalité qu’il faut impérativement accepter si on souhaite le combattre efficacement; notamment en faisant de la vraie prévention. C’est à dire, une prévention basée sur des éléments tangibles et non de la morale dégoulinante de bons sentiments mais dénuée d’efficacité.

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