Antony Costes :'' je fais partie d'une génération qui n'a jamais pensé pouvoir faire carrière en cyclisme sans dopage"
L'affaire ''Jeuland'' a fait reparler du dopage dans le triathlon et a ravivé les soupçons sur toutes les belles performances des français. Cela est donc l'occasion de poser quelques questions, sur ce sujet trop souvent occulté, à nos meilleurs représentants en longue distance. Antony Costes qui progresse chaque année pour venir maintenant inquiéter les meilleurs sur longue distance nous donnes son analyse très pertinente sur le sujet.
Que penses tu du dopage ?
Il s'agit d'un phénomène de société, qui n'exclut donc pas le domaine sportif. Mais par la nature de la confrontation qu'amène le sport, c'est un gros problème qui a des répercussions bien au-delà..
Fais tu partie d'un groupe cible ?
Non, mais je l'accepterais volontiers comme une bonne nouvelle, et c'est je trouve une contrainte minime pour garantir un minimum d'éthique sportive ! Même s'il faut être conscient que cela ne supprime pas les possibilités de se doper, cela les limite un peu... J'en veux pour preuve les écarts de performance entre les années 90 et début des années 2000 versus celles actuelles en cyclisme, par exemple.
Sans le nommer, as tu déjà soupçonné quelqu'un de dopage?
J'ai de gros soupçons sur les athlètes suspendus pour utilisation de produits "lourds", qui même s'ils ne se dopaient plus, ont encore des bénéfices de leurs traitements précédents. Il est peut-être injuste d'en nommer puisque je ne pourrai pas nommer tout le monde, mais je vais quand le faire : Mickaël Weiss, Lisa Hütthaler ou encore Antonio Colom n'ont par exemple rien à faire sur un triathlon pour moi. Je suis pour une suspension à vie dans ces cas là. Le seul bémol à cette sanction serait un empoisonnement, mais si les preuves montrent que ce n'est pas le cas...
As tu, toi, été soupçonné de dopage?
Pas ouvertement, et je le prendrais pour un compliment sur mon niveau ! Même si je n'aurais jamais soupçonné José Jeuland de dopage et que je suis bien conscient que ce n'est pas seulement une question de niveau puisque certains sexagénaires mettent aussi leur vie en danger pour aller plus vite que leurs copains le dimanche matin..
En veux tu à ces athlètes qui triches et se font prendre?
A un stade où je réfléchis à vivre du triathlon de façon professionnelle, il est effectivement rageant de voir des financements s'envoler pour des tricheurs. Le plus gros problème est surtout pour la jeunesse : je fais partie d'une génération qui n'a jamais sérieusement pensé pouvoir faire carrière en cyclisme sans dopage. Sûrement "normal" en ayant eu les bouquins de Bassons ou de Willy Voet dans les mains à 13-14 ans, mais dégoûtant pour le sport... J'espère les générations suivantes n'auront pas ces impasses là !
Penses tu que la lutte contre le dopage soit suffisante?
Non, car certains passent encore entre les mailles, voire ont été contrôlés positifs mais conservent quand même du crédit de leurs performances passées en continuant à intervenir dans le sport en tant que consultants, directeurs sportifs, entraîneurs ou autre... C'est à mon avis un des principaux mécanismes d'entretien de la culture du dopage. D'un autre côté, la recherche dans le domaine doit aussi progresser et cela nécessite de s'en donner les moyens, notamment en collaborant avec les laboratoires pharmaceutiques comme cela commence à être le cas.
Par cb le 15/01/2015